
Almada Negreiros
Grande figure du modernisme européen, il s'est toujours réclamé du futurisme

josé Sobral de Almada Negreiros (Saudade, São Tomé, 7 avril 1893 - Lisbonne, 15 juin 1970) est un artiste portugais lié au mouvement moderniste. Il s'est illustré aussi bien comme peintre, écrivain, poète, essayiste, dramaturge ou encore comme romancier. Il fut l'un des principaux collaborateurs de la revue Orpheu avec Fernando Pessoa.
Artiste moderniste portugais Almada Negreiros, de son vrai nom José Sobral Almada de Negreiros, est né en avril 1893. Il a passé une partie de son enfance à Sao Tomé et Principe, où il est né, avant d'intégrer un collège jésuite. Il étudie ensuite à l'Ecole internationale de Lisbonne où il a la possibilité de s'adonner à la peinture. Son premier dessin est publié en 1911, dans la revue Satire et il expose pour la première fois son travail lors d'une exposition individuelle de l'École Internationale en 1913. C'est à cette période qu'il rencontre Fernando Pessoa avec qui il édite la revue Orpheu. En 1919, il part vivre à Paris, où il ne reste qu'à peine une année. Il quitte de nouveau le Portugal en 1927 pour l'Espagne cette fois-ci, où il publie des ouvrages et collabore avec des architectes espagnols. Il rentre au Portugal en 1932 où il continue de peindre, et se marie avec Sarah Afonso, elle aussi artiste peintre. Bien que critiquant en grande partie la société à travers ses différentes peintures, Almada Negreiros a peint plusieurs tableaux de propagande en faveur du dictateur portugais Antonio de Oliveira Salazar.
Un artiste à découvrir : José de Almada Negreiros
« Être moderne, c'est exactement comme être élégant : ça n'est pas juste une façon de s'habiller, mais une façon d'être. Être moderne ne se limite pas à utiliser la calligraphie moderne : encore faut-il être le véritable découvreur de la nouveauté. »
Le futurisme, l'envie d'un coup de neuf
Né en 1893, José de Almada Negreiros a 17 ans en 1910 : c'est dans cette ambiance qu'il passe sa jeunesse. Grande figure du modernisme européen, il s'est toujours réclamé du futurisme, mais il est peu connu hors du Portugal.
Autodidacte, il expose ses dessins et caricatures pour la première fois en 1913. Il fait partie de la jeune génération éprise de modernité qui, partout en Europe, à la veille de la Première Guerre Mondiale, veut sortir des carcans et faire sauter les verrous de sociétés européennes sclérosées dans des habitudes d'un autre âge.
Les innovations technologiques s'accélèrent, mais les mœurs et la société mettent du temps à emboîter le pas. En réaction à ces inerties, les modernistes se laissent fasciner par le monde du progrès, la vitesse et les nouvelles technologies.
La liste des talents de ce touche-à-tout de génie donne le vertige : illustrateur, peintre, écrivain et poète, scénographe et chorégraphe, céramiste et graveur, fondateur et éditeur de revues, mais aussi, à ses heures perdues ou bien pour s'alimenter, danseur et ouvrier ou acteur et metteur en scène.
L'irrévérence comme carte de visite
Se rapprochant en cela de Dada, autre mouvement apparenté au Futurisme, Almada Negreiros n'hésite pas à manier l'humour comme arme rhétorique. En témoigne ainsi son Manifeste Anti-Dantas, publié en 1915.
Júlio Dantas, écrivain prolifique surtout connu comme dramaturge, mais qui était aussi chirurgien et essayiste, avait eu le mauvais goût de critiquer la revue moderniste Orpheu. Almada Negreiros s'en prend à lui, et à tout l'académisme compassé qui étouffe selon lui la vie artistique portugaise, dans un manifeste qu'il récite debout sur une table du café Martinho do Rossio. Les premières lignes du manifeste donnent le ton :
« BASTA POUM BASTA!
Une génération qui consent à se laisser représenter par un Dantas est une génération qui n'a jamais été ! C'est un ramassis d'indigents, d'indignes et d'aveugles ! Une rame de charlatans et de vendus, qui s'abaisse plus bas que zéro ! Le Dantas est né pour prouver que ça n'est pas parce qu'on peut écrire, qu'on sait écrire ! Le Dantas sait la grammaire, sait la syntaxe, sait la médecine, sait préparer à dîner aux cardinaux, sait tout sauf écrire mais c'est la seule chose qu'il fait ! »
Le même ton provocateur, difficile à placer entre canular et arrogance, se retrouve dans son « Ultimatum futuriste » : « Je ne fais partie d'aucune génération révolutionnaire. Je fais partie d'une génération constructive. J'ai vingt-trois ans, vingt-trois années de santé et d'intelligence. Je suis le résultat conscient de ma propre expérience. En tant que Portugais, je me crois en droit d'exiger une patrie qui me mérite. »
Alors, tête à claques insupportable ou visionnaire et provocateur de génie ? Ces saillies drôlatiques le mettront en porte-à-faux plus tard lorsque, sous le régime Salazar, il survit grâce aux commandes du gouvernement. Or celui-ci ne trouve pas toujours l'humour de l'artiste à son goût, et il s'en faut de peu que ses fresques d'azulejos pour le terminal maritime de Rocha do Conde d'Óbidos ne soient détruites... Elles seront épargnées grâce à l'intervention de João Couto, directeur du Musée d'Art Antique.
Pour Almada Negreiros, la mission de l'artiste est de produire la modernité, de la faire advenir. Le moyen de cette transformation est le spectacle, conçu comme oeuvre d'art totale, qui sature les sens, la vue surtout, et qui interpelle le public. Il ne s'agit pas à proprement parler d'agit-prop ou d'art politique : l'ambition d'Almada Negreiros est plutôt d'installer la modernité dans l'espace public. Être là, occuper l'antenne, et provoquer une réaction : l'artiste publie essais, manifestes et lettres ouvertes, notamment pendant les premières années du régime Salazar.